Avril 2014
Les pratiques apicoles sont multiples. Selon d’adage du milieu : « mille apiculteurs, mille apicultures ». Comment s’y retrouver, alors, entre les partisans d’une apiculture « naturelle », ceux qui préfèrent le confort de l’apiculteur, ceux encore qui ne voient que par la production de miel ? Comme en agriculture, il existe plusieurs modèles. Petit tour d’horizon pour vous aidez à faire votre choix dans ces pratiques, et pourquoi pas votre installation.
L’apiculture naturelle, ce serait l’abeille à l’état de nature. Le mot « apiculture », vient du latin « apis » (L’abeille) et « colere » (cultiver) : l’élevage d’abeilles. Il est donc paradoxal de parler d’apiculture « naturelle », puisque à partir du moment ou l’homme met la colonie dans une boite, quelque soit sa taille ou son nom, il pratique l’api-culture, et l’abeille n’est plus à l’état sauvage. L’apiculture naturelle, c’est être cueilleur de miel, aller chercher le miel dans les essaims sauvages. Cela fait bien longtemps que ce n’est plus possible chez nous, les essaims sauvages étant trop rares. Par extenssion, certains apiculteurs utilisant des ruches avec peu ou pas d'interventons (ruches de biodiversité, nichoirs à abeilles...) définissent leur apiculture comme "naturelle". On pourrait établir que cela consiste à tenter de se rapprocher au maximum de l'abeille à l'état de nature. Si l’on reste donc dans le domaine de l’apiculture plus conventonnelle, c’est à dire l’élevage des abeilles et l'exploitaion pour récolter du miel, on peut définir deux modèles, dont les motivations et la pratique quotidienne sont opposées : le modèle intensif et le modèle extensif.
Comme en agriculture, on peut discerner ces deux façons de faire très différentes. En élevage bovin, l’intensif importe du soja OGM pour nourrir les animaux, en extensif on préférera la prairie naturelle. On soignera les animaux aux antibiotiques en intensif, avec des traitements doux en extensif…etc… En apiculture de nombreux indices nous permettent de définir si notre pratique est intensive ou extensive : race rustique ou hybride, nourrissement limité ou systématique… Mais comme en agriculture, ces indices sont limités et une grande part des exploitations sont en fait entre ces deux modèles. Voici un tableau pour se faire une idée sur votre pratique de l’apiculture, et vous situer selon ces critères, non exhaustifs :
Pratique intensive | Pratique extensive |
---|---|
Race hybride (type Buckfast) | Race rustique (type abeille noire) |
Transhumances fréquentes et lointaines | Ruchers sédentaires |
Beaucoup de colonies (+ que la SMI de 400 ruches) | Nombre limité de colonies |
Vente en gros en coopérative | Vente directe et locale |
Achat du matériel | Construction du matériel |
Fort investissement | Investissement limité ou inexistant |
Élevage sous-traité (achat de reines) | Élevage autonome sur l'exploitation |
Traitement Varroa conventionnel | Traitement Varroa alternatif (bio) |
Bonne production de miel | Production plus faible |
Nourrissement fréquent | Nourrissement limité |
Si on voulait résumer la différence entre les deux modèles, il serait judicieux de le faire d’un point de vue comptable. Le but de tout apiculteur est à priori de dégager assez d’argent pour vivre de son métier et de faire perdurer l’exploitation. Pour y arriver, dans une comptabilité, vous avez plusieurs colonnes. L’argent qui rentre : le chiffre d’affaire ; et l’argent qui sort : les charges. Le but de l’intensif est de grossir le plus possible son Chiffre d’affaire, alors que l’extensif se donnera l’objectif de faire baisser au maximum ses charges. Si on voulait caricaturer, ça pourrait donner ça :
Chiffre d'affaire | Charges | Revenus | |
---|---|---|---|
Intensif | 100 000€ | 80 000€ | 20 000€ |
Extensif | 30 000€ | 10 000€ | 20 000€ |
La réalité est souvent beaucoup plus compliquée mais cela permet d'exposer simplement le principe.
A priori, de nombreux futurs apiculteurs estiment que plus leur chiffre d’affaire sera élevé, plus leur exploitation sera solide. Ce n’est pas forcément vrai. Car plus votre entreprise a de charges (ce que vous achetez pour produire), plus elle dépendra de l’économie extérieure, sur laquelle vous avez peu ou pas de contrôle. Un exemple simple et actuel: l’essence augmente, vos transhumances vont coûter très cher pour un gain identique. Le prix des ressources naturelles allant en augmentant, la durabilité de l’exploitation peut être moindre lorsque l’on en dépend de manière trop élevée, typiquement en intensif. Dans ce modèle, on est également très dépendant des banques. Les investissements sont plus élevés, donc les annuités (ce que l’on rembourse par an à la banque) le seront aussi. Une mauvaise année pourra dès lors être fatale, puisque vous avez une obligation de résultat pour faire perdurer l’exploitation. Un problème se pose alors : en extensif, on produit moins. Comment dans ce cas assurer une production de miel assez élevée pour répondre à la demande? Tout simplement en multipliant les installations, ce qui pourrait également régler en partie le problème du chômage. Une seconde question peut se poser, celle du prix du miel (ou de tout autre production) plus élevé en extensif. C’est une idée assez fausse si l’on regarde d’un point de vue plus global. En effet, les exploitations intensive produisent à prix moindre, mais elles sont également celles qui touchent le plus de subventions. Une grande partie d’entre elles ne seraient pas viables sans ces aides (Ceci est beaucoup moins vrai en apiculture qu’ailleurs, mais certaines aides existent). Ajoutons à cela que les impôts payent les dégâts sur l’environnement au prix fort (retraitement de l’eau…) ; que la sécurité sociale paye les effets sur la santé des producteurs et des consommateurs ; et enfin, que l’assurance chômage de son côté paye le nombre grandissants d’agriculteurs qui sortent de leur activité par faillite ou ne peuvent tout simplement pas s’installer. La facture est très élevée, et dépasse de loin les quelques centimes d’euros qu’il faudra payer en plus pour une production extensive.
Dès l’installation, pensez à ces données, qui peuvent vraiment peser dans votre pratique quotidienne. Les exploitations qui disparaissent parce qu’elles ne parviennent pas à rembourser leurs annuités ne sont malheureusement pas rares. Le modèle extensif est durable, environnementalement, mais surtout économiquement. En intensif, vous ne contrôlez ni le prix de production (charges très variables) ni le prix de vente du produit (si vous passez par une coopérative). Dans le monde agricole, les coopératives et les transformateurs considèrent souvent les exploitants comme de simples sous-traitants. Une solution est proposé via le mode extensif. En regagnant une autonomie, on réduit les charges, et l’exploitation perdure même avec un chiffre d’affaire faible. Ne plus dépendre de l’économie extérieure est un moyen de maîtriser la production et surtout le prix du produit.