Mars 2014
On entend beaucoup d'informations contradictoires dans la guerre entre les apiculteurs et les marchands de pesticides... L'argumentaire de ces derniers est toujours le même, répété à l'envie par les vendeurs d'agrochimie, la FNSEA, et parfois quelques journalistes dans des articles orientés. Malheureusement pour eux, la science qu'ils bénissent en cœur d'avoir inventé les pesticides a également étudié leur impact sur l'environnement et les abeilles. Voici 10 arguments de l'agrochimie démontés par des sources scientifiques ou tout simplement le bon sens, qui vous permettrons sans doute d'y voir un peu plus clair!
Depuis plusieurs années, les études s'accumulent et démontrent le lien entre la présence de pesticides et les problèmes des colonies d'abeilles. Entre autres dans les revues scientifiques Science, Plos-one, à l'INRA, ou encore le centre de recherche ONIRIS... On peut dénombrer au moins une quarantaine d'études sur le sujet!
Plus précisémet sur les néonicotinoïdes, plusieurs pesticides de cette famille ont déjà été interdits pour cause de danger sur les populations d'abeilles : le Gaucho en 1999, le Régent en 2004, le Poncho en 2005 (avant même sa mise sur le marché), le Cruiser en 2012... Jusqu'a l'avis en 2013 de l’EFSA (European Food Safety Authority) admettant que les molécules utilisées dans les pesticides systémiques pouvaient poser problème sur les pollinisateurs.
Le Varroa est arrivé en Europe dés 1970, puis en 1980 en France. Les abeilles françaises ont donc vécues avec Varroa pendant plus de 10 ans avant l’apparition des pesticides néonicotinoïdes en 1993, sans que les apiculteurs ne notent de différence de production et de santé comparable avec le désastre engendré par ces produits (bien que varroa ait lui aussi causé de grandes pertes sur certaines exploitations surtout à son arrivé). La corrélation entre l'apparition des pesticides néonicotinoïdes et la hausse de la mortalité des colonies est très claire : elles ont lieu la même année! Une corélation ne prouve pas un lien direct, mais elle donne une piste et fait partie des indicateurs qui alertent sur le risque.
Les apiculteurs négligents sur la question sanitaire ne font pas long feu. Vu l'état actuel de l'environnement, une ruche malade ne peut pas tenir très longtemps. Il existe des GDSA (groupement départemental sanitaire apicole) qui se chargent des visites sanitaires chez les apiculteurs professionnels et amateurs. Depuis 2011, dès la première ruche, l'apiculteur est contraint de déclarer sa colonie, et peut donc être contrôlé. En cas d'infection d'une maladie grave (loque américaine ou Varroa), les colonies peuvent être détruites par la DDPP. Quel apiculteur peut se risquer à cela?
Les pollinisateurs sauvages et les abeilles domestiques n'ont pas le même rôle dans la pollinisation des plantes. Elles s'occupent de plantes différentes, à des différentes périodes, et toutes sont nécessaires à la reproduction des plantes.
Les pollinisateurs sauvages subissent eux aussi l'impact de la baisse de biodiversité et de la présence des pesticides dans l'environnement. Depuis les années 1980, selon les régions d'Europe, c'est 30 à 60% de baisse des espèces de pollinisateurs sauvages qui est constatée. Les insectes pollinisateurs sauvages sont donc également en rapide déclin, ils ne pourront pas remplacer les abeilles domestiques.
Les grandes cultures (Colza, tournesol...) apportent du nectar en grande quantité en peu de temps, c'est pour cette raison qu'on considère parfois qu'elles sont positives pour les abeilles. Mais les colonies ont besoin d'une diversité de pollens et de nectars, qu'elles ne trouveront pas sur ces parcelles. Les grandes cultures nuisent à la biodiversité (moins de haies, grandes parcelles de monoculture) et sont souvent traitées avec des pesticides.
Les méthodes intensives (beaucoup de transhumances, nourrissements fréquents, renouvellement annuel en reines hybrides...) ne sont pas bonnes pour l'abeille, mais les apiculteurs non intensifs ont eux aussi de gros problèmes de mortalité sur leurs colonies. Le problème principal n'est donc pas là, et n'exonère pas les pesticides de leur responsabilité! On constate même une mortalité moindre chez les intensifs, car ils veillent à anticiper les pertes en renouvellant régulièrement le reines.
Un rapport de la FAO (Food and Agriculture Organisation) datant de 2007, "Agriculture biologique et sécurité alimentaire", démontre le contraire :
"l’agriculture biologique a le potentiel de satisfaire la demande alimentaire mondiale, tout comme l’agriculture conventionnelle d’aujourd’hui, mais avec un impact mineur sur l’environnement" avec la plus value environementale : "lorsque les cultures de rente sont liées à des améliorations agroécologiques et procurent des revenus supplémentaires aux paysans pauvres, cela entraîne une meilleure autosuffisance alimentaire"
L'agriculture biologique n'est pas toujours la seule solution, selon les contextes et les besoins, mais cette étude prouve qu'une évolution de l'agriculture vers moins de pesticides est tout à fait possible.
L'agriculture intensive, très consommatrice de pesticides, est également la plus subventionnée. L'agriculture intensive touche six fois plus d'aides PAC (Politique Agricole Commune) que l'agriculture biologique. Les exploitations autonomes et peu polluantes (extensif) ont des résultats économiques très bons, car elles ne dépendent pas des marchés et valorisent mieux leur production.
Cela implique un investissement financier plus élevé de la part du consommateur, qui reste très relatif en circuits court. Notons que la part de l'alimentation dans le budget moyen des français est de 15% à peine. Cela laisse une marge de manoeuvre non négligeable.
Un OGM n’est pas seulement une plante. Un OGM sert avant tout à disséminer des pesticides. Soit on rend la plante résistante pour pouvoir épandre des pesticides en grande quantité sur les cultures sans craindre pour la production ; soit la plante diffuse elle-même le pesticide. Dans ce dernier cas, on retrouvera des traces du pesticide dans le nectar, le pollen, et la gutation de la plante : trois ressources récoltées par les abeilles et ramenées à la ruche.
Le lobby des apiculteurs est inexistant. Avec moins de 3 000 professionnels sur le territoire, ils n'ont aucun poids économique ou électif. Et malgré le soutient d'une grande partie de la population, ils peinent à se faire entendre. En face, les multinationales de l'agrochimie pèsent plusieurs Milliards d'euros, et des dizaines de milliers d'emplois. Le lobbying est donc très clairement en faveur du lobby des pesticides, et c'est pour cette raison que les évolutions dans ce domaine sont très lentes, malgré les multiples études démontrant la dangerosité de ces produits pour l'abeille... ...et pour l'homme!
Pour vérifier ces informations :
| l'INRA | Revue Science | Revue Plos-one | Revue La Recherche | l'ACTA | CORDIS| France AgriMer | la FAO | les CIVAM | le CRIIGEN | ONIRIS | l'EFSA |